Deux siècles ensemble (1795-1995) Tome 1 : Juifs et Russes avant la révolution by Alexandre Soljénitsyne

Deux siècles ensemble (1795-1995) Tome 1 : Juifs et Russes avant la révolution by Alexandre Soljénitsyne

Auteur:Alexandre Soljénitsyne [Soljénitsyne, Alexandre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Éditeur: Fayard
Publié: 2015-12-13T23:00:00+00:00


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Cependant, la Zone de résidence, au fil des ans, se faisait de plus en plus perméable.

D’après le recensement de 1897, 315 000 Juifs résidaient déjà hors de ses limites, soit, en seize ans, une multiplication par neuf (et cela représentait 9 % de l’ensemble de la population juive de Russie, exception faite du royaume de Pologne52. Comparons : on comptait alors 115 000 Juifs en France, 200 000 en Grande-Bretagne53). Considérons aussi que le recensement donnait des chiffres sous-évalués, compte tenu du fait que, dans beaucoup de villes de Russie, nombre d’artisans, maints domestiques au service de Juifs « autorisés » n’avaient pas d’existence officielle, s’étant dérobés à l’enregistrement.

Ni le gratin de la finance ni l’élite instruite n’étaient soumis aux restrictions de la « zone », et l’un comme l’autre s’établirent librement dans les provinces du centre et dans les capitales. Il est notoire que 14 % de la population juive exerçaient des « professions libérales54 » - pas forcément de type intellectuel. Une chose est cependant sûre : dans la Russie prérévolutionnaire, les Juifs « occupaient une place prépondérante dans ces métiers intellectuels. La fameuse Zone de résidence elle-même n’empêchait nullement une importante fraction des Juifs de pénétrer en nombre de plus en plus élevé dans les provinces de la Russie centrale55 ».

Les corps de métiers dits « artisanaux » où les Juifs étaient les plus nombreux furent les dentistes, les tailleurs, les infirmiers, les apothicaires et quelques autres encore, métiers partout d’une grande utilité, où ils étaient toujours les bienvenus. « En 1905, en Russie, plus de 1 300 000 Juifs exerçaient une activité d’artisans56 » - ce qui signifiait qu’ils pouvaient vivre en dehors de la « zone ». Et il ne faut pas oublier non plus que « nulle part dans les lois il n’était stipulé, par exemple, que l’artisan qui exerce un métier n’a pas le droit de se livrer dans le même temps au commerce » ; au demeurant, « la notion de “faire du commerce” n’est pas définie par la loi » : par exemple, le « dépôt-vente » avec commission, est- ce du commerce ? Ainsi donc, pour exercer toute forme de commerce (même le gros négoce), s’adonner à l’achat de biens immobiliers, à l’aménagement de fabriques, il fallait se faire passer pour « artisan » (ou « dentiste » !) Par exemple, l’« artisan » Neimark possédait une fabrique de soixante ouvriers ; des typos ouvraient ainsi leur propre imprimerie57. Et il existait encore un autre moyen : plusieurs personnes se regroupent, et une seule paie la taxe de la première guilde, les autres se faisant passer pour ses « commis ». Ou encore : se faire « adopter » dans une province du centre par des soldats juifs à la retraite (le père « adoptif » recevait en retour une pension)58. À Riga, des milliers de familles juives vivaient du commerce du bois, jusqu’à ce qu’elles fussent expulsées pour cause de fausses attestations59. À l’orée du XXe siècle, on trouvait des colonies juives dans toutes les villes russes de quelque importance.



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